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un cadre qui subit l'arbitraire

jeudi 26 mai 2011

Lettre ouverte à Monsieur le Gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie (BCM)




Lettre ouverte à Monsieur le Gouverneur de
la Banque Centrale de Mauritanie (BCM)





Monsieur le Gouverneur, 



Si j’ai choisi la voie de la lettre ouverte, c’est bien parce que j’estime que vous avez, par les procédés choisis délibérément par vous-mêmes, pris sur vous la responsabilité d’étaler une «affaire» sur la voie publique, sans en évaluer au préalable les conséquences. «L’affaire» dont il est question est celle de la gestion de la PROCAPEC. En optant délibérément pour la manière forte, en dépit des dispositions prévues, vous avez choisi, Monsieur le Gouverneur de porter cette «affaire» devant l’opinion publique.

Vous avez pour vous la puissance d’un système judiciaire très pressé de faire ses preuves. Vous avez pour vous votre position de tutelle de l’institution que je dirigeais jusque-là. Vous avez pour vous l’atmosphère délétère instaurée par la culture des rumeurs et de la suspicion. Et, last but not least, vous avez avec vous les nouvelles orientations des autorités en place qui veulent, dans une énième tentative de moralisation de la gestion publique, faire de la juste lutte contre la gabegie une priorité et même un leitmotiv.

Je n’ai pour me défendre que le recours à la lettre ouverte pour essayer d’atteindre votre Raison. Mais aussi votre cœur. En même temps prendre à témoin l’opinion publique nationale devant laquelle j’ai été jeté en pâture. Humilié, traité comme un vulgaire repris de justice, traîné devant mes enfants comme un vulgaire voleur – même un voleur a droit à un minimum de respect -, vilipendé, couvert d’opprobre… Bientôt une semaine que le calvaire dure et j’en suis encore à me demander ce qui m’arrive. Et, suprême dépit de la victime que je suis, je me demande encore si cela peut arriver à quelqu’un d’autre. Car cela n’est jamais arrivé en cette terre qui a pourtant connu bien des arbitraires.

Je tais les explications que je crois être les vraies. Je m’en tiens à la plus simple : l’objectif n’est pas le contrôle de la gestion de Ahmed Ould Khattri, ce n’est pas de savoir comment était gérée la PROCAPEC, ce n’est pas de donner suite aux conclusions – préliminaires donc provisoires – de la mission d’inspection de la tutelle (BCM). Que nenni !

L’objectif est d’humilier la personne. De faire payer à Ahmed Ould Khattri sa foi en la possibilité de faire de la PROCAPEC un outil de développement économique et social, mis au profit des couches sociales les plus déshéritées, d’en faire un acteur social jouant un rôle de premier plan dans la réalisation du bien-être de tous, au-delà des appartenances régionales, tribales ou ethniques. Il ne suffisait pas de limoger Ahmed Ould Khattri et de le remplacer, il fallait aussi le jeter en pâture.

Dans un univers où la médiocrité et l’inefficience sont les qualités premières, personne n’a vraiment le droit d’aller à contre-courant. Il faut tuer la capacité de travail, l’exigence de rendement, la volonté d’innover et l’ambition de toujours mieux faire.

Quand je suis venu à la PROCAPEC – après moult tractations – j’avais trouvé devant moi une institution dédiée certes à la micro-finance mais qui se cantonnait dans un rôle de caisse d’épargne qui n’était pas véritablement sa grande vocation. L’Agence de Promotion des Caisses Populaires d’Epargne et de Crédit «PROCAPEC» créée en mars 1997 par l’instruction 001/GR/97 du Gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie, a pour mission la mise en place d’un système mutualiste reposant sur un réseau de Caisses populaires locales d’Epargne et de Crédit (CAPEC) économiquement viables sur l’ensemble du territoire national. En moins de deux ans, les adhérents sont passés de 50.000 environ à plus de 150.000, les Caisses d’épargne (CAPEC) se trouvent dans chaque département du pays, ou presque. Notre ligne de conduite a été : «Amener les membres à épargner régulièrement, à emprunter sagement et à rembourser promptement». Il fallait, tout en participant à l’insertion des populations vulnérables dans les circuits de développement en leur permettant d’accéder à des ressources financières rentables, leur faire adopter une mentalité visant la promotion de la prise en charge de soi et donc de l’émancipation économique et sociale. Pour résumer, nous devions combler le déficit de services financiers de proximité, pour faciliter l’accès au crédit, et appuyer les micros, petites et moyennes entreprises afin de favoriser l’emploi durable. C’est ce que nous avons fait tout en respectant scrupuleusement les dispositions du cadre légal et réglementaire. Par la force des choses nous sommes devenus le moteur du développement de la micro-finance dans le pays.

Cela s’accompagnait nécessairement de campagnes de sensibilisation mais aussi d’un grand sens de l’innovation en matière de produits nouveaux. Habitat, élevage, agriculture et même accomplissement d’obligations religieuses et sociales. Tous les produits font l’objet d’une campagne d’information qui mobilise leaders d’opinion (Ulémas, journalistes, syndicalistes, élus…). Ils reçoivent tous l’aval de la tutelle avant d’être lancés. La rigueur dans la conception et la mise en œuvre expliquent en partie la réussite de ces produits. Cette réussite est jugée à l’aune de l’adhésion populaire. Les chiffres parlent pour eux-mêmes. La situation aussi.

En effet restée longtemps un sous-service d’une tutelle BCM, la PROCAPEC est passée, en moins de deux ans, à un acteur de la vie économique et sociale du pays. Dans les règles de l’art du respect des procédures. Ce qui lui a valu la satisfaction des commissions d’enquête parlementaires sur deux dossiers brûlants qui ont pourtant éclaboussé bon nombre d’institutions (PSI et affaire Fondation KB). Cela lui a valu aussi la confiance des partenaires étrangers qui n’ont pas hésité à mobiliser des lignes de crédit (BAD par exemple). Le poids de la PROCAPEC est aujourd’hui évident : 54 agences, près de 800 agents, 160.000 comptes, 5 milliards de dépôts, 4 milliards d’encours.

Ce n’est pas pour me justifier que je vous écris cette lettre. Vous n’avez pas besoin de justifications parce que vous n’en avez jamais demandé.

Monsieur le Gouverneur, depuis votre prise de fonction, vous m’avez accordé un seul entretien. J’ai tenu à l’utiliser pour vous expliquer l’activité et l’ambition de la PROCAPEC. Tout en anticipant sur les «résistances internes» qu’il ne fallait pas hésiter à désigner sous le label de «détracteurs». Ces détracteurs comprennent des institutions «dérangées» par l’activité plurielle de la PROCAPEC : ceux du logement ne veulent pas du projet de l’épargne-logement, ceux des banques qui ne veulent pas du Centre de financement, ceux de l’habitat qui bloquent l’octroi d’un terrain pour la PROCAPEC… Mais, je vous l’ai expliqué, les détracteurs les plus «sérieux» - pour ne pas dire les plus «nocifs» - sont ceux qui se trouvent à la BCM. Par malveillance ou par ignorance, les résistances aux visions novatrices et entreprenantes sont nombreux. Par habitude et par expérience, ils sont encore présents dans le processus décisionnel et bénéficient d’une grande capacité de nuisance. Nous en avons parlé et vous m’avez assuré prendre cela en compte.

Monsieur le Gouverneur, 

Le propre d’une lettre ouverte, c’est qu’elle n’est pas seulement soumise à l’attention du destinataire. Elle est une sorte de prétexte pour lever l’équivoque, sauver ce qui peut encore l’être d’une aura, préserver un minimum de dignité, remettre les choses à leur place, donner une autre grille de lecture… tout cela afin de lever une injustice, mettre fin à un quiproquo.

Je ne vous cache pas mon désarroi qui n’entame pourtant en rien ma sérénité qui découle de ma conviction que rien ne peut m’être reproché quant à la mission que j’ai remplie jusqu’à lundi dernier (5/01/09). C’est un désarroi né du sentiment d’injustice, de l’exercice de l’arbitraire sur ma personne et finalement de l’absurdité – énormité ne convenant pas – de ce qui m’arrive.

Je comprends et j’accepte qu’on veuille liquider le directeur de la PROCAPEC pour le faire remplacer. Je comprends d’autant plus que cette institution est effectivement devenue un objet de convoitise. Mais pourquoi cet acharnement ? Pour assouvir une vengeance personnelle ? Pour satisfaire une haine personnelle ? Pour servir un dessein personnel ? Peut-être, mais pourquoi ma tutelle se laisse-t-elle instrumentalisée ?

Il est parfaitement normal que la tutelle (BCM) diligente une mission d’inspection. Mais il est peut-être utile de noter ici qu’elle est la première depuis longtemps. Elle est intervenue à un moment de confusion politique et économique. Et, contrairement aux usages, nous n’en avons pas été avertis. Les autres institutions choisissent en général le moment et même le personnel qui doit faire l’inspection. Soit. Il est très tôt apparu, à travers les centres d’intérêt des inspecteurs, qu’ils étaient là avec des informations préalables. Plusieurs fois j’ai dû moi-même leur demander de me faire part de ce qu’ils cherchaient exactement. «Non, rien de particulier, on cherche quelque chose». Bizarrement la même réponse que j’aurai des policiers qui m’interrogeaient après mon arrestation. Evident pour moi que les inspecteurs étaient venus avec la ferme intention d’en découdre avec la PROCAPEC et avec son directeur. Il ne me restait plus qu’à leur souhaiter réussite dans leur mission. Tout en pensant que si l’objectif est réellement d’analyser et d’auditer la gestion, je ne crains absolument rien. Si par contre l’objectif est de trouver un prétexte pour liquider le directeur de la PROCAPEC, tant pis. Je pensais à ce moment-là à la seule démission. Parce que rien, absolument rien ne pouvait justifier ce qui devait arriver.

Aujourd’hui que mes détracteurs personnels ont atteint leurs objectifs – humiliation, mauvais traitement, éviction…-, il ne reste que l’élucidation de l’affaire. Je me permets, Monsieur le Gouverneur de vous adresser les quelques questions suivantes. Tout en vous demandant de ne pas vous en tenir à l’ordre de priorité, encore moins à la formulation. Même si vous semblez loin d’imaginer les conséquences d’une procédure engagée avec légèreté – parce que faisant fi de tous les us et coutumes en la matière -, je vous demande de m’accorder la diligence que mérite toute victime de l’arbitraire des conspirations. Passons aux questions.

Depuis que vous êtes à ce poste, je vous ai adressé quatre correspondances sur la situation de la PROCAPEC. Aucune de ces correspondances n’a assez capté votre attention pour nécessiter une réponse. Pourquoi ? Vous m’avez reçu une seule fois et vous étiez pressé. Pourquoi vous n’avez jamais répondu à mes doléances en la matière ?

Quand les inspecteurs sont venus, j’ai tout de suite senti leur hostilité. J’en ai parlé à un proche à vous, mais aussi au directeur de la supervision bancaire qui m’a promis de m’adresser d’abord leur rapport préliminaire pour que je puisse répondre aux griefs éventuels. Naturellement, les inspecteurs eux-mêmes m’ont fait savoir que le rapport préliminaire me sera soumis à cet effet. Pourquoi je n’ai pas eu droit jusqu’à présent, ni de porter des remarques sur le rapport préliminaire que je n’ai jamais vu, ni de m’expliquer oralement ? Pourquoi personne ne m’a demandé mon avis ? Vous êtes un contrôleur chevronné, connaissant les méandres du métier, pourtant vous n’avez pas daigné suivre les procédures normales : pourquoi vous ne m’avez adressé aucune demande d’explications, ou de mise en demeure ? La grande question qui en découle : qu’est-ce qui peut justifier l’urgence à casser Ahmed Ould Khattri et la PROCAPEC en faisant fi des procédures légales et réglementaires ?

Le Procureur a reçu une plainte orale. La plainte écrite n’arrivera que jeudi 8/01, quatre jours après mon arrestation. Après toutes les humiliations. Pourquoi ? Pourquoi cette précipitation ? Pourtant le rapport préliminaire – truffé déjà d’aprioris et d’inexactitudes – s’était gardé de proposer autre chose que mon limogeage et le soi-disant redressement de la PROCAPEC. Ce n’est pas le rapport qui a demandé l’emprisonnement sous le sceau de l’urgence. Ce serait le Gouverneur de la BCM, pourquoi ?

Les questions que je pose ne demandent pas de réponses. Parce qu’elles resteront sans réponse. Comme la procédure, comme le bon fonctionnement de l’institution PROCAPEC, comme l’honneur, la dignité et les droits du cadre, du citoyen, de l’homme Ahmed Ould Khattri, rien de tout cela n’importe. En fait l’objectif a été atteint dès l’implication de la police et des méthodes d’antan. Il faut marcher sur les hommes en s’abstenant de respecter lois, règlements, us et coutumes.

Par contre je demande réponse au seul défi que je vous lance ici : instituez une inspection de bonne foi et essayez de trouver la preuve la plus anodine d’une malversation à la PROCAPEC, ou de détournement, ou d’acte délibéré de sape de ma part. Ne vous en tenez surtout pas aux conclusions de ce rapport qui a été fait sur commande et avec la seule intention de porter préjudice. Preuve les «à-peu-près», «on-dit», «on-pense», les souhaits et suppositions clairement exprimées, parfois adoptées comme conclusions donc vérités. Mais faites appel à des professionnels neutres. Ils trouveront – je vous le dis à l’avance – que toutes les faiblesses, que tous les risques encourus par le réseau sont depuis toujours et qu’ils sont en totalité imputables à la tutelle (BCM). Cette BCM qui ne s’est jamais intéressé à l’institution qui est son émanation et qui ne dispose donc pas d’éléments comparatifs pour évaluer le développement ou non de la PROCAPEC.

Preuve de l’indifférence de la tutelle : les bilans comptables, les rapports d’activité sont constamment envoyés à la BCM, jamais nous n’avons reçu de remarques en retour. Aussi faut-il rappeler l’insignifiance des moyens alloués par l’institution-mère qui, au titre du budget 2009, n’accorde que 44 millions de subventions au titre de fonctionnement de la PROCAPEC. C’est le travail de lobbying entrepris auprès des députés qui nous a permis de relever ce montant à cent millions qui ne couvrent pas les salaires des employés.

Monsieur le Gouverneur, 

Je ne suis demandeur d’aucune indulgence de la part de ceux qui ont fait fi du droit pourtant élémentaire à la présomption d’innocence. Je ne suis pas non plus demandeur – du moins à vous – de lever un tort ou de corriger une injustice que votre précipitation à satisfaire des desseins non encore éludés, a engendrée. Je crois à la Justice de mon pays et je préfère que la procédure actuelle suive son cours. Parce que je suis persuadé qu’elle me lavera de tout soupçon et qu’elle mettra à nu la machination dont j’ai fait l’objet.

Par contre, j’en appelle à l’opinion publique, au sens du devoir des autorités actuelles, à leur volonté de rétablir un système juste et transparent, à suivre cette affaire et à frapper très fort ceux qui ont instrumentalisé l’appareil de l’Etat à des fins personnelles. Ceux-là sont responsables aujourd’hui de ce qui m’arrive, en termes d’humiliation, de stigmatisation, de destruction de l’image… Mais plus grave, ils sont responsables demain – et même dès aujourd’hui – de la destruction, désormais probable, d’une institution financière qui contribuait à calmer la faim du pauvre hère de la Kebba, à développer des petites activités à la portée de la grande majorité des mauritaniens, à rétrécir l’écart entre des couches laborieuses et miséreuses et une minorité de repus, pour la plupart prédateurs.

Monsieur le Gouverneur, 

Je suis sûr que votre conscience patriotique et professionnelle doit vous interpeller en ce moment. Vous êtes un cadre soucieux du bien-être de ce pays, vous êtes un père de famille bienveillant, vous êtes un citoyen qui a des principes dont certainement le refus de l’arbitraire.

J’ai aussi une conscience professionnelle et patriotique. J’aime ce pays et j’entends le servir encore et encore avec loyauté. Je suis aussi père de famille. Je crois aux vertus de la citoyenneté dont l’égalité devant la loi, le droit à la défense ; je crois au principe sacro-saint de la présomption d’innocence.

Je crois que la vie est une accumulation d’expériences- bonnes et mauvaises. Je crois qu’il est des adversités qui, mises en perspective positive, rapportent mieux et plus que la simple et facile réussite matérielle temporaire. Et je sais enfin que nous finissons tous par payer un jour nos méfaits. C’est pourquoi j’ai toujours essayé d’éviter d’en commettre dans la mesure du possible pour l’homme ici-bas.

Veuillez agréer, Monsieur le Gouverneur mes hautes considérations.



Ahmed  Khattry  

Directeur National de Procapec

En garde à vue




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