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jeudi 26 mai 2011

Entretien exclusif avec Ahmed Ould Khatri ancien directeur national de Procapec

Entretien exclusif avec Ahmed Ould Khatri ancien directeur national de Procapec: «C’est facile d'accuser les gens qu'on incarcère, de fouiner en leur absence pendant un an pour la recherche de détournement de fonds …»


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Ahmed Ould Khatri, ancien directeur national de Procapec est toujours incarcéré à la prison civile de Nouakchott pour la troisième année consécutive sans jugement avec un refus catégorique d’une liberté provisoire. C’est à l’intérieur de la prison qu'il s'est confié en exclusivité à Nouakchottinfo en battant en brèche les accusations dont on lui fait portées.

Nouakchott info: Monsieur le directeur, pouvez vous nous relater succinctement comment est intervenue votre arrestation?

Ahmed Ould Khattri: C’était le 5 janvier 2009, vers 17 heures quand Mr Mohamed Ould Benhad (Directeur de la supervision bancaire m’appelle au téléphone et demande à me voir dans mon bureau instamment!
Je le reçois une demie heure plus tard et il commence une discussion anodine, au cours de laquelle, mon interlocuteur m’apprend que quelqu’un de la police lui aurait téléphoné pour l’informer qu’il a besoin de nous deux et qu’il lui a donné rendez- vous ici.
Avant même qu’il termine sa phrase, un commando de police débarque, nous demande nos identités et nous prie de le suivre au commissariat spéciale de la police judiciaire pour me faire notifier que je suis arrêté sur instruction verbale du procureur de la république. Je demande le pourquoi et l’on m’informe que je suis accusé de détournement de deniers publics. Ceci sans qu’il ait au préalable de demande d’explication, d’avertissement, blâme ou mise en demeure. Pire, la police n’a ni mandat ni plainte quelconque.

NI: votre domicile et votre bureau furent aussi perquisitionnés parai-il ?

AK: Absolument! Après avoir passé 24 heures au commissariat, vers 19 heures, on m’amène pour une perquisition violente chez moi devant mes enfants. Après 3 heures de fouille intense, mes ravisseurs emportent un portable personnel, un ordinateur d'un ami, une clef USB vierge.
On me ramène cette fois ci au commissariat, chargé des affaires économiques et financières, en admettant que le procureur s’était trompé hier car il a lui aussi reçu ordre de m’arrêter et à cause de la crainte du donneur d’ordre, il n’a pas osé lui demander le motif. On est en pleine période d’exception: 5 mois après le coup d’Etat.
Le lendemain de bonne heure, on reviendra me cueillir pour m’emmener dans mon bureau pour une perquisition qui a permis d'emporter: mon ordinateur fixe, des documents pris au hasard, les chronos courriers arrivés et départs et ce après 4 heures de fouilles.
Vers l’après midi, on me ramène au commissariat où je passe une nuit calme et le lendemain 7 janvier 09, une plainte atterrit fraîchement tapée et signée du gouverneur dans laquelle on m’accuse de retrait de fonds injustifiés, d’ouverture de Capec sans autorisation de la Bcm et du non respect des ratios de gestion.
Après une semaine d’interrogatoires et d’auditions de mes collaborateurs on me présente devant le procureur un interrogatoire qui a duré 10 heures d’horloge. Vers 23 heures présentation au juge du 3ème cabinet (Med Salem Ould Mah, qu’on a dépêché de chez lui venu somnolent en me recevant pendant 10 minutes au cours desquelles , il notifie mon inculpation de détournements de fonds et de non respect de la réglementation micro financière et me délivre sur le champ un mandat de dépôt pour la prison de Dar-Naim. Vers laquelle je fus conduit

NI: selon le rapport de l’inspection on vous reproche un déficit manquant d’un montant de 75millions d’ouguiya au niveau de la caisse principale de la Procapec. Que répondez-vous?

AK: Je suis Directeur National d'un réseau qui compte plus de 55 caissiers principaux et 150 caissiers secondaires. Comprenez que je ne suis nullement responsable du déficit ou de l'excédent d'aucune de ces caisses. Le caissier principal dont la caisse a été indexée par les inspecteurs d'avoir un déficit de 75 millions, est toujours à son poste et ce depuis plus de deux ans.
La police chargée des crimes économiques, le procureur de la république et le juge d'instruction l'ont entendu à ce sujet et il a prouvé qu'il n'a point de déficit. Le caissier principal, toujours en poste à Procapec, a déclaré au juge qu'à mon départ de la Procapec, je n’étais redevable d’aucun engagement vis-à-vis de sa caisse. Ledit caissier jouit toujours de la confiance de l’institution, à ce jour où je vous parle, il n'a pas été ni arrêté ni démis ni même affecté, preuve que ce déficit est une pure allégation.

NI: qu'en est-il de cette autre accusation faisant aussi part d’un déficit de 10 millions d'ouguiyas en cartes de Mattel?

AK: Ce montant déclaré constitue une commission versée à l’entreprise intermédiaire entre Procapec et Mattel; et un de nos chauffeurs a bel et bien remis cette quantité de cartes à qui de droit moyennant une décharge en bonne et due forme: n’ayant pas passé service, le bon du chauffeur a été découvert 5 mois après mon arrestation; l’entreprise existe toujours, les deux entreprises pourront toutes les deux confirmer la régularité de cette transaction. Voilà la copie de la décharge de l'entreprise intermédiaire entre Procapec et Mattel. C'est un élément de mon dossier que je mets à votre disposition.

NI: on vous reproche également dans le rapport que vous avez ouvert 22 nouvelles Capec sans autorisation préalable de la Bcm?

AK: Bien que la Bcm ne donne pas d'autorisation préalable pour la mise en place des caisses, je suis en mesure d'affirmer que j'ai une double autorisation pour tout ce que j'ai fait durant ma courte période à la tête de Procapec. D'abord, je vous remets une copie de l'instruction de la Bcm portant création de la Procapec et déclinant ses missions dont la principale est la mise en place d'un réseau de Capecs sur l'ensemble des départements du pays. Et je porte à votre connaissance le PV du comité d'orientation ou conseil d'administration de la Procapec m'autorisant à mettre en place en 2008, 26 nouvelles Capec, dont je n'ai pu créer que 22.

NI: Et l’on vous accuse aussi du non respect des lois de la micro finance ?

AK: L’Ordonnance N° 2007-005 du 12 janvier 2007 qui régit les établissements de la micro finance et les instructions N° 07 à 10 du Gouverneur de la BCM en date du 02 mai 2007, donnent une période de transition de six (6) mois aux institutions de la micro finance pour se conformer à cette nouvelle réglementation en matière d’agrément des structures de micro finance. Et dès ma prise de service, je me suis attelé à constituer et à déposer les dossiers d’agrément pour l’ensemble des caisses non agréées dont une partie m’a précédée.
La Direction de la Supervision Bancaire et Financière de la Banque Centrale avait suggéré, en retour, d’agréer en une seule fois le Réseau PROCAPEC/CAPEC au lieu d’agréer les Caisses individuellement. Pour se préparer à ce processus de mutualisation et d’agrément de PROCAPEC, il a dépêché en février 2008 une mission à Dakar au Sénégal composée de représentants de la BCM, de PROCAPEC, de dirigeants des caisses et d’un expert indépendant pour visiter le Réseau PAMECAS, ou «Procapec/Sénégal». Les conclusions de cette mission ont été adressées par courrier au Gouverneur de la Bcm. En conclusion la Bcm ne délivre d'autorisation préalable pour les Imfs, mais les agrée après leur mise en place effective.

NI: on dit que vous avez utilisé illégalement l'épargne ou dépôt des membres pour financer le développement et fonctionnement du réseau. Que répondez-vous ?

AK: A ma prise de fonction l'épargne globale du réseau était de 2 milliards sept cent millions d'ouguiyas. A mon arrestation, il a atteint le double, soit 5 milliard quatre cent millions d'ouguiyas.
Cette épargne est collectée par les Capecs, qui en a redistribuée une bonne partie comme crédit aux membres soit (2 milliards six cent cinquante millions), elles en ont laissé une partie à côté pour faire face aux retraits des membres (quatre cent millions), et une partie comme transfert de fonds inter réseau en instance dans des comptes de régularisations en plus des charges payées d'avance (trois cent quarante millions) et une dernière partie déposée auprès de Procapec comme réserve soit un milliard sept cent millions. C'est cette dernière partie dont la gestion m'incombe et que je suis tenu de justifier.

NI: Qu’en est-il de l’utilisation de ce montant et du milliard sept cent millions d'ouguiyas que les Capecs vous ont confiés?

AK: Au 30 novembre 2008, le bilan de Procapec élaboré par le directeur financier de Procapec et remis à la Bcm, à la police, au procureur et au juge d'instruction donne l'utilisation suivante de ce dépôt : Liquidité (caisse et banques): 567 millions d'ouguiyas Lignes de crédit remboursables versées aux Capecs déficitaires en épargne pour faire des crédits: 649 millions d'ouguiyas Subventions remboursables aux Caisses déficitaires et aux projets logement: 248 millions
Crédit au personnel du réseau: 9 millions, Avances aux Capecs (cotisations annuelles, stock de fournitures et d'imprimés): 137 millions d'ouguiyas Créances à très court terme aux partenaires:( revendeurs cartes mattel, Anapej, Precamf/Bad): 100 millions d'ouguiyas

NI: Est ce Procapec a le droit d'utiliser les dépôts ou épargne des ses membres?

AK : Seuls les naïfs croient que les dépôts doivent rester dans des enveloppes, malles, coffres en banque tels quels en attendant qu'on viendra les demander. C'est une vision très simpliste de l'activité financière et bancaire. Est- ce qu’une institution micro financière a le droit d’utiliser les dépôts de ces membres? L’ordonnance N° 005 2007 portant règlementation des établissements de micro finance est claire et l’article 10 est sans équivoque:
«Pour les institutions de la catégorie A, sont considérées comme épargne, les fonds, autre que les parts sociales ou apports au capital associatif et les droits d’adhésion recueillis par l’institution auprès de ses membres avec le droit d’en disposer dans le cadre de son activité, à charge pour elle de les restituer à la demande dudit adhérent ou suivant les termes convenues avec lui». Plus loin l’aliéna 2 du même Article 10 donne ce droit au structure faitière des réseaux pour les fonds de liquidité des institutions les composants.

NI: que répondez vous aux accusations de mauvaises gestion évoquées par les inspecteurs de la Bcm et l'expert désigné par le juge (contrats complaisants, déficits importants du réseau, recrutements abusifs et gaspillage des ressources?

AK: C'est facile d'accuser les gens qu'on incarcère, de fouiner en leur absence pendant un an pour la recherche de détournement de fonds et à défaut d'en trouver on se rabat sur un concept assez subjectif qu'on appelle mauvaise, moyenne ou bonne gestion. Ce soit disant expert est un expert en tout sauf en microfianance.
La microfiance est assez récente, aucune université ou institut n'en délivre de diplôme et cet expert n'est jamais rentré dans une institution de microfiance avant la visite qu'il m'a effectuée pour quémander un prêt que j'étais dans l'incapacité de lui accorder car ne répondant pas aux critères.
Qu'elle fut ma surprise d'apprendre qu'il est désigné comme expert en microfinance et de surcroit ayant l'outrecuidance de juger de ma gestion, de refuser de me rencontrer pour prendre mon avis et de passer le mois qui lui était accordé avec mes pires détracteurs de la Bcm et de mal copier leur feuille de choux de rapport.
La gestion de Procapec comme toute institution de microfinance (imf) s'apprécie en terme: du nombre d'adhérents, du volume d'épargne collectée, des crédits accordés, du taux de recouvrement entre autres. Procapec a été gérée dix ans avant moi, j'y ai passé 19 mois à sa tête et elle est gérée 26 mois après par l'actuelle directrice.
Un expert étranger a élaboré il y a deux mois un rapport comparatif sur le gestion des trois principaux dirigeants de Procapec: Mr Ahmed Ould Boucheiba (son géniteur) qui a fait 10 ans, Nebghouha Mint Tlamid l’actuelle dirigeante qui a fait plus de 25 mois et moi-même qui n’a fait que 19 mois.
Sa conclusion est textuellement je cite : «Les 10 premières années, peuvent se résumer à une gestion administrative de ce réseau, sans réelle prise de risques, mais sans véritable capacité de développement. Le dynamisme commercial impulsé par son second dirigeant a boosté les données économiques du réseau, lui permettant d’engranger des résultats très significatifs en matière de sociétariat, d’épargne, d’encours de crédits, de nombre de CAPEC, d’emplois, mais sans que cela ne se traduise par des résultats financiers.
Depuis son départ on assiste à la décadence de ce réseau dans tous les domaines analysés. Ce qui fait craindre pour l’avenir des CAPEC et de PROCAPEC». Les chiffres parlent d’eux même car ils sont assez éloquents: en 19 mois j'ai atteint le double de ce que mes prédécesseurs ont réalisé en 10 ans au moment où la direction qui m'a succédé a fait reculer l'épargne de près d'un milliard, l'encours des prêts de près de 2 milliard, le taux de recouvrement de 40% et un déficit abyssal de près de près de 1milliard huit cent millions d'ouguiyas.
Je n'ai pu recevoir comme fonds publics durant toute ma période que 133 millions d'ouguiyas, représentant à peine 80% des salaires des employés du réseau: une misère par rapport aux milliards de subventions et lignes de crédits généreusement allouées à mes collègues.

NI: partant de ce vous avez dit votre Inculpation n’est pas plutôt politique?

AK : Mon affaire est quant même très bizarre! Tenez: On m’arrête deux jours avant l’arrivée de la plainte de 2 et de surcroît avant la fin de l’inspection qui se poursuit 6 mois après mon interpellation. D’autre part, on désigne un expert dans un domaine dont il n'a aucune notion et n'ayant jamais foulé les pieds dans les locaux d’une institution spécialisée dans la micro finance domaine que pendant à peine 5 minutes le temps de quémander un prêt.
L’instruction du juge a duré 12 mois pour 10 heures d'interrogatoires étalées sur 5 séances. La procédure de renvoi devant un tribunal a duré plus de 15 mois. Ensuite mon cas constitue le seul dossier relatif à la lutte contre la gabegie qu’on lui refuse la liberté provisoire dignement accordée par la justice.
Cette affaire est un acharnement délibéré qui vise à toucher à ma propre personne, je ne sais pour quelle cause? Vous me demandez si c’est une affaire politique? Je suis en mesure d’affirmer sans risque de me tromper qu’elle est tout sauf judiciaire.

NI: Vous avez lancé un appel pour la création d’une initiative dénommée« justice pour tous» et aussitôt des centaines de personnes se sont associées pour prendre le relais, combien de manifestations ont-elles été organisées?

AK : Je vous remercie de me donner l’occasion de remercier les milliers de mauritaniens de toutes les composantes de notre peuple et de toutes les régions qui ont répondu à mon appel pour la mise en place de cette initiative pour l’instauration d’une justice véritable pour tous. La coordination de cette initiative a déjà organisé des sit-in à Nktt, Rkiz, Mederdra, Rosso, Ndb, Keur-macène, Atar, Boutilimitt, Aleg, Maghtahjar,Guerrou, Kiffa, Tintane, Aioun, Timbedra, Néma, Nktt (encore).
Elle organisera bientôt des sit-in similaires à Boghé, Barkéol, Kankoussa, Kaédi, Sélibaby, Akjoujt, Tijikja et Zouérat. Elle est ouverte à tous les mauritaniens pour la défense des opprimés, des faibles et de tout celui ou celle qui en fait la demande pour l’aider à recouvrer ses droits.

NI: avez-vous un dernier mot à ajouter au terme de cet entretien?

AK : Je dis que l’Agence de Promotion des Caisses Populaires d’Epargne et de Crédit «PROCAPEC» est créée en mars 1997 par l’instruction 001/GR/97 du Gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie. En moins de deux ans (sous ma responsabilité), les adhérents sont passés de 50.000 environ à plus de 160.000, les Capecs de 32 à 54 caisses, l’épargne de 2,7 milliards à 5,4 milliards, l’encours du crédit d’un milliard à 3 milliards, le taux de recouvrement de 90% à 95%.
Pourquoi je n’ai pas eu droit jusqu’à présent, à porter des remarques sur le rapport préliminaire que je n’ai jamais vu? Pourquoi personne ne m’a demandé mon avis? Quel est le montant détourné? Comment il l’a été? En espèces? Par chèque? Par virement? Sur quelle banque? Qui est le complice? Pourquoi il n’a pas été interpellé? Qu’est ce qu’elles ont donné les deux perquisitions? Quel patrimoine trouvé en ma possession?
Quel est le degré de mon enrichissement? En quoi ma gestion a fait reculer le réseau: Les adhérents? L’épargne? Le crédit? Le recouvrement? La crédibilité? La rentabilité? L’image? Les équipements?
D’autre part je regrette la destruction, désormais probable, de Procapec cette institution financière qui contribuait à calmer la faim du pauvre, à développer des petites activités à la portée de la grande majorité des mauritaniens, à rétrécir l’écart entre des couches laborieuses et miséreuses et une minorité de repus, pour la plupart prédateurs.
Avez-vous une idée des conséquences de mon emprisonnement hâtif et ses dommages collatéraux sur la Procapec? Tenez:
- Chute des dépôts de plus d’un milliard d’ouguiyas
- Chute du taux de recouvrement de 50%
- Annulation d’un financement de 25 milliard d’ouguiyas (Privés saoudiens pour financer le projet 1500 logements à Tevragh-Zeina)
- Annulation d’un partenariat avec la Fédération Nationale des Caisses d'épargnes Françaises
- Annulations d’un financement de 11 millions d’euros (Facilité ARIZ/AFD)
- Annulation d’un contrat de partenariat avec la B.H.S (Sénégal)
- Annulation d’un rating entièrement financé par Planet-finance (France).
- Annulation d’un financement italien (ETIMOS).
- Annulation d’un financement de l’organisation ADA (Luxembourg).
- Probable annulation d’un financement de 5 millions de dollars de la BID.
- Annulation de plusieurs financements indiens.
- Destruction de plus de 160 emplois
- Déficit énorme de près de 2 milliard d’ouguiyas

Propos recueillis à l'intérieur de la prison de Dar Naim par Harouna Cissé
Nouakchott Info

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